le Grand Jeu

Publié le par Dross



Voici quelques extraits des écrits du "Grand Jeu", mouvement artistique et contestateur de l'après 14-18 ...
Ici ils y parlent des drogues... loin de moi l'idée de faire l'apologie de ces choses, je vous laisse réfléchir sur ce texte, qui est encore largement d'actualité....
Et qui parle de choses qui sont, aujourd'hui, pratiquement censuré, au vus de leurs inexistences médiatiques.... 



" Prenez garde, car vous avez la maladie
Dont je suis mort. "
M. ROLLINAT.


Ce qui différencie le mieux l'homme de l'animal c'est la pipe.
Qu'on m'excuse, quant au dernier terme de cet aphorisme, de sacrifier au besoin de manger, de "faire concret" selon le goût du jour, si j'ajoute cette explication simple et lucide : selon une image de rhétorique bien connue, donnant le contenant pour le contenu, par pipe j'entends tous les produits qui servent, plus ou moins, à provoquer artificiellement la rêverie. Voici encore une vérité banale et très claire à laquelle on ne pense jamais, c'est à savoir que tous les hommes de tous les temps historiques ou préhistoriques, quels que soient leur morale, leur religion ou leur degré de civilisation, ont toujours usé de ces produits que la pharmacologie nomme toxiques.
Il est assez compréhensible et logique que toutes les drogues, destinées qu'elles sont à provoquer plus ou moins vite et plus ou moins longtemps cet accident de conscience que j'ai vaguement classé parmi les refus d'agir mais indubitablement rangé dans mon royaume la Mort-dans-la-vie, soient par contrecoup nuisibles aux instruments de l'action, c'est-à-dire aux organes du corps humain.

Tous les hommes de tous les pays continuent à provoquer artificiellement en eux l'état de mort-dans-la-vie par le moyen de leur choix.

Il convient d'ailleurs de remarquer que grâce à la démagogie de nos foutues démocraties et au soin de leurs intérêts, les toxiques les plus employés ont été rarement prohibés. Le tabac ne le fut jamais nulle part, l'alcool presque jamais, enfin la consommation de l'opium est recommandée dans l'Inde et en Indochine. La partialité de ces prohibitions n'a jamais été déterminée par le caractère plus ou moins nocif des drogues comme surtout les deux premiers exemples devraient le prouver si le jugement du lecteur n'était complètement faussé par les racontars de la presse à propos des stupéfiants défendus, boucs émissaires des hygiénistes et de leurs serviettes.

Ne pourront jamais comprendre: tous mes ennemis, les gens d'humeur égale et de sens rassis, les Français moyens, les ronds-de-cuir de l'intelligence, tous ceux dont l'esprit, instrument primitif et grossier mais incassable, est toujours prêt à s'appliquer à ses usages journaliers, sans jamais connaître ni la nuit solide de l'abrutissement pétrifié ni l'agilité miraculeuse de l'éclair à tuer Dieu. Ils ne se doutent pas que, par opposition aux poissons à bouche ronde que l'on nomme cyclostomes, les psychiatres ont baptisé du vocable de " cyclothymiques " un certain nombre de " malades " dont la vie s'écoule ainsi en alternances infernales et régulières d'états hypo et d'états hyper, d'enthousiasmes et de dépressions spirituels. Bien souvent ceux qui connaissent la lancinante douleur de ces dépressions lui préfèrent le suicide.

Plus incompréhensible encore leur sera l'état de l'homme qui souffre de la conscience effroyablement claire. Il s'agit de la douleur peu commune aux mortels de se trouver soudain trop " intelligents ". Il est bien vain de tenter de faire neitre dans un esprit qui ne l'a pas expérimentée, l'approximation de cet état qui selon un déterminisme inconnu, en un instant soudain, plonge un être dans l'horreur froide et tenace du voile déchiré des antiques mystères. C'est devant la disponibilité la plus absolue de la conscience, le rappel brusque de l'inutilité de l'acte en cours, devenu symbole de tout Acte, devant le scandale d'être et d'être limité sans connaissance de soi-même. Essence de l'angoisse en soi qui fait les fous, qui fait les morts.

Roger Gilbert-Lecomte

Bise a Charlotte pour m'avoir parlé de ce mouvement ;) et comme elle l'avais deviné, il est vrai qu'il me plais aussi ;) lol


Publié dans Arts

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